(forêt) walk and talk

Ça s'était murmuré un peu partout, dans les conversations de commères à travers tout le village. vous n'savez pas qui est de retour? la fille love..oui, elle a plaqué son fiancé le jour du mariage à ce qu'il paraît... combien de fois les avait-il surprises, ces conversations à peine voilées, les remarques plus ou moins obligeantes. Comme par hasard, elles prenaient subitement fin lorsqu'il apparaissait. Il s'était amusé de les voir se figer dès qu'ils l'apercevaient, avec son air pas tout à fait commode -- aux antipodes du frère si parfait et si gentleman. Une fois, il s'était mêlé à la discussion de deux femmes d'un âge respectable, qui faisaient la queue derrière lui. - Difficile de juger quand on est pas en possession de tous les faits, vous ne pensez pas? Le silence s'était fait dans la petite pharmacie locale et il avait tourné les talons sans regarder en arrière.

Et puis, il y avait cette soirée qui lui revenait en mémoire. Juste eux deux. Juste deux amis d'enfance qui passaient un moment en toute simplicité, devant un bon feu de cheminée, à parler de tout et de rien, à refaire le monde. Pourtant, l'air s'était vite chargé d'électricité, de ce courant qui chatouille les sens, et qui embrase doucement les coeurs. Le goût sucré de ses lèvres délicates était resté, ancré dans le souvenir, dans le palpitant qui commençait à s'emballer, à battre un peu trop fort pour ces grands yeux noisette pleins de malice. Elle n'était plus la petite ado frêle, aux sourcils un peu broussailleux. Non, elle était devenue femme. Mais elle était aussi fiancée à Drew. Elle l'avait été en tout cas. Alors il avait tout fait pour oublier cette soirée, un dérapage, une erreur qui n'aurait pas dû se produire. Mais quelle si délicieuse erreur... pathétique mon pauvre vieux.. t'es pathétique il s'était morigéné. Il n'avait pas le droit de faire ça à son frère.

Il avait espéré qu'ils pourraient en parler, mettre les cartes sur la table, se dire que ça avait été un moment d'égarement et que ça ne se reproduirait pas. Et pourtant, secrètement, égoïstement, il n'espérait qu'une chose: pouvoir de nouveau goûter à ses lèvres si douces. Mais elle s'était terrée, trouvant refuge dans son travail, dans les patients à qui elle donnait toute son énergie. Alors il était allé la retrouver au cabinet. Parce que ça ne pouvait plus durer, ce silence assourdissant, plus létal qu'un coup de révolver...

La forêt avait toujours été un de leurs refuges communs, le calme et l'air pur avaient un effet apaisant, et dieu savait qu'ils en avaient bien besoin, l'un comme l'autre. Appuyé négligemment au capot de sa voiture, il attendait. Allait-elle venir? - Je suis là . Sa voix, rien que le son de sa voix réveillait en lui des sensations qu'il pensait oubliées. Un sourire aux lèvres, il se retourne vers elle et dépose un baiser sur sa joue. - C'est parti alors..